Les fibres végétales en construction
Le potentiel de développement des plantes qui fournissent des fibres végétales à usages matériaux est réel. Restent aux prix et aux acteurs à bien l'accompagner.
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Lin, chanvre, miscanthus… Les plantes à fibres suscitent un intérêt grandissant auprès des industriels des matériaux. Les capacités de production ne sont pourtant pas tout le temps forcément bien identifiées. Pour y remédier, l'Ademe (1) et la plate-forme de R & D consacrée aux projets agro-matériaux, FRD (2), ont décidé d'engager en mai 2010 une étude commune portant sur la disponibilité et l'accessibilité des fibres végétales à usages matériaux en France. Publiée il y a quelques semaines, l'étude épluche la réalité et la potentialité de développement des fibres, celles qui sont disponibles et matures (lin textile, chanvre) et celles qui sont en devenir (miscanthus et lin oléagineux).
Sur la période 2001-2008, 8 000 agriculteurs en ont cultivé sur 96 000 ha en moyenne. La publication chiffre une production de 620 000 t de paille de plantes à fibres. Après décortication, cela donne 330 000 t de granulats, 60 000 t de poudres et 170 000 t de fibres millimétriques à décimétriques. Pas si loin finalement des 250 000 t que représente la production de la filière concurrente, celle des fibres de verre. A noter que sont écartés de ce travail le sorgho, la canne de tournesol, le switchgrass et la paille de colza, considérés comme des fibres potentielles n'ayant pas un degré suffisant de maturité d'utilisation dans les matériaux.
Pourtant, il faudra probablement compter sur ces nouvelles ressources pour atteindre dans les années 2035, les 300 000 ha (d'après l'étude Ademe-Alcimed de 2007) nécessaires aux débouchés prévisibles pour cette époque, en particulier dans les marchés de l'isolation, des composites et du béton. " Cette estimation est sans doute très optimiste, mais elle a le mérite d'établir des projections chiffrées ", défend Clément Meirhaeghe, chargé de mission ressources végétales chez FRD. Il est vrai que l'optimisme semble démesuré, au regard d'une production plutôt en régression ces dernières années, malgré un certain engouement médiatique pour les bioproduits. Rien qu'en considérant le lin textile, les surfaces sont passées de 80 000 ha en 2005, à 55 000 ha en 2010, la profession ayant poussé au resserrement des surfaces, afin de revaloriser les prix. Si en revanche, 2010 a vu notamment doubler la surface de lin oléagineux, dont la filière est en cours d'organisation, la barre des 100 000 ha toutes productions confondues a du mal à être franchie.
Une réalité confirmée par Matthieu Him, responsable du service R & D à La chanvrière de l'Aube (40 % de la production européenne de chanvre), laquelle a toujours modulé ces surfaces (actuellement 3 500 ha) en fonction de la demande du marché : " A l'heure actuelle, il n'y a pas une demande forte. Mais l'extension de notre bassin de production est toujours possible, pour autant que les débouchés soient pérennes. "
" Tout dépendra de l'évolution des marchés, agricoles et énergétiques, de l'écart entre le prix de la matière minérale et végétale et des mesures prises pour aider cette filière à se développer, ajoute Olivier Joreau, directeur de l'activité biomatériaux à la Cavac. Je ne parle même pas des subventions directes, mais d'incitations fiscales ou réglementaires. " En tout cas, même si on ne peut pas encore réellement parler de filière en miscanthus et en lin oléagineux l'étude conclut que le secteur des fibres végétales est bien organisé et capable d'être réactif en cas de développement de la production. L'exemple de la filiale de la coopérative vendéenne présente sur le marché de l'isolation illustre bien la capacité des acteurs, qu'ils soient coopératifs ou privés, à créer en quelques années un nouveau bassin de production... ou à étendre leur bassin. " On est capable de mettre en place des surfaces supplémentaires, sous réserve d'une rémunération adaptée pour l'agriculteur ", rappelle Olivier Joreau. C'est même la condition sine qua none.
Renaud Fourreaux
(1) Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. (2) Fibres recherche développement (pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources).
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